L’anhédonie

L’anhédonie caractérise l’incapacité d’un sujet à ressentir des émotions positives lors de situations de vie pourtant considérées antérieurement comme plaisantes. Ce trouble peut atténuer les émotions, les troubler, voire les réduire au silence.

Cette incapacité à ressentir du plaisir peut durer de quelques semaines à quelques mois voire plus. Elle a été conceptualisée en 1896 par Théodule RIBOT.

Il existe 2 types d’anhédonies :

L’anhédonie physique : perte sensorielle, du toucher par exemple.

L’anhédonie sociale : perte de plaisir aux contacts amicaux et familiaux.

Cette perte de plaisir peut être accompagnée de perte de contact également avec le déplaisir. Un traumatisme peut amener à la perte de contact avec les émotions liées à la joie comme celles liées à la tristesse. Cela peut arriver après une séparation par exemple. Cela peut arriver suite à des deuils qui prennent des formes diverses (deuil d’un avenir professionnel, d’un projet, deuil relationnel…).

Parfois, le choc est tel que sur le coup, les émotions ne s’expriment pas, cela donne l’impression de ne pas être touché. Puis advient une forme de tristesse morale, une forme d’atteinte profonde mais dans l’après-coup alors que la personne pensait avoir surmonté l’épreuve.

Dans l’anhédonie, il existe un double mécanisme du déni :

  • celui de la dimension traumatique de l’événement en tant que tel;
  • celui de toutes les émotions associées à l’événement.

La différence entre le déni des émotions et leur absence est fondamentale. L’absence d’émotions est impossible. On apprend à les masquer. Les émotions nous servent dans notre survie depuis que l’espèce humaine existe :

  • la peur nous informe qu’il faut se mettre en mouvement face à un danger;
  • la colère qui nous informe que nous ne sommes pas respectés;
  • la tristesse qui nous informe sur une perte réelle ou imminente.

Ces émotions sont directement liées à la phylogenèse et ce sont elles qui ont permis à l’espèce humaine de survivre jusqu’alors. Elles servent de boussole et nous poussent à agir.

Le déni de ses émotions consiste à créer une nouvelle réalité pour ne pas voir celle qui se déroule, qui est trop violente. Cela relève d’une stratégie d’évitement. C’est une façon de ne pas affronter la réalité.

Les personnes qui développent un syndrome post-traumatique vivent une altération de la régulation des émotions. En tant normal, cette régulation sert à adapter ses émotions selon la situation. Dans le cas du syndrome post-traumatique, les émotions et les souvenirs liés au traumatisme sont plus difficiles à réguler. C’est pour ça que l’évitement se met en place.

Il faut différencier l’affect (l’angoisse, l’état amoureux, la haine…) de l’émotion (qui nous permet de bouger). On peut être coupé de ses émotions mais quand même ressentir un affect. Ce qui devrait nous faire nous mouvoir est bloqué, par contre l’affect est toujours là. L’affect est un peu comme une sonnette d’alarme. C’est grâce à l’affect que les gens qui ne ressentent plus leurs émotions peuvent avoir une représentation de ce qui leur arrive.

En étant coupé de nos émotions et de notre corps, c’est toute notre perception de la vie qui est touchée. C’est le ressort de la motivation qui est cassé.

Le mécanisme de l’impuissance acquise est mis en relief par Martine Seligman en 1975 : à force de constater que nos actions sont sans effets, on se démotive jusqu’à l’apathie. On devient résigné.

Une variante ou résultante de l’anhédonie est l’alexithymie (largement observée dans les maladies psychosomatiques). Comme on a du mal à identifier et labelliser nos émotions, c’est le corps qui parle d’avantage.

Un des outils pour retrouver un accès à ses émotions est la granularité émotionnelle, qui s’appuie sur un vocabulaire riche et différencié pour identifier les émotions sur leurs différentes formes et leurs manifestations dans le corps pour avoir une expérience de soi et du monde plus précise. Les émotions gagnent en nuance dès lors que l’on réussit à mettre des mots sur nos sensations et nos émotions. Nommer les choses permet de redonner du sens et d’identifier de ce qui nous arrive.