Manger ses émotions

Laurianne Melierre, la présentatrice de Manger s’est associée à Cyrielle Bedu, la présentatrice du podcast Émotions. Pour cet épisode croisé, elles ont interrogé la psychologue spécialisée des conduites alimentaires Brigitte Ballandras, et la neuroscientifique et endocrinologue spécialisée dans la nutrition Cécile Bétry. Ensemble, elles ont échangé sur ce qui nous pousse à manger nos émotions.

https://louiemedia.com/manger/tag/manger+ses+%C3%A9motions : pourquoi mangez vous de la glace quand vous êtes déprimé(e)s

Brigitte Ballandras a fondé une association à Paris qui traite de l’alimentation et des émotions. Elle y anime des ateliers sur le sujet.

Elle apporte ses lumières sur le lien entre les deux. Lors des périodes de maturation et de séparation (adolescence, ménopause, changement dans la vie sentimentale…), nous vivons des deuils qui amènent des douleurs, des conflits et des joies. C’est alors qu’une béquille alimentaire se met en place. La nourriture sert alors d’appuis dans ces changements de vie.

Alors pourquoi, parmi les multiples plaisirs que peut offrir la vie (chant, danse, sport, alcool…) pour compenser ses changements, c’est la nourriture qui arrive en tête? Parce qu’elle offre une consistance. Quand les capacités de réplétion sont dépassées, il y a une douleur au niveau abdominal. C’est une contenance qui s’exprime. C’est quelque chose de concret, comme un ancrage dans le corps. On peut aller prendre appui dessus dans notre corps de façon concrète pour essayer d’aller mieux.

Certaines personnes ont eu la chance dans l’enfance d’être bien nourries au niveau affectif et leurs ressentis ont pu être pleinement accueillis. D’autres n’ont pas eu cette base : il ont une histoire affective qui présente des carences plus ou moins importantes dans l’enfance (non-respect physique ou affectif des bébés). Ils vont alors chercher à s’équilibrer par l’alimentation. Ce sont des tentatives de restauration pour éviter des dépressions plus sévères. Ce sont des tentatives de guérison pour tenir debout. En cela, il est important de jauger à partir de quand cette problématique en est vraiment une dans la vie de la personne.

Chez certaines personnes, ces émotions les débordent et les font dériver vers des conduites pathologiques.

Cécile Bétry, neuroscientifique et endocrinologue spécialisée dans la nutrition, explique que, dès le plus jeune âge, manger est un moment privilégié de partage. Du lien se crée à ce moment-là. D’emblée, nourriture et émotions sont associées. Des circuits neuronaux sont particulièrement activés par les aliments gras ou sucrés qui ont un effet anxiolytique. Tout le monde n’a cependant pas le même niveau de réceptivité à ces aliments. Dans l’alimentation il y a un part homéostatique, pour combler ses besoins nutritionnels et une autre hédonique qui est associée à l’idée de manger ses émotions. Par ailleurs, on cherche des aliments qui ont la meilleure densité énergétique par nature. Cela vient d’un temps où il fallait courir pour chercher sa nourriture, pour la survie de l’espèce. Notre génétique n’est plus adaptée à notre mode de vie qui est devenu plus sédentaire.

Certaines personnes arrêtent de manger dès qu’ils sont à satiété car ils n’ont alors plus de plaisir à manger. Par IRM, on voit que les zones du cerveau associées au plaisir ne s’activent plus lorsqu’elles sont à satiété alors que des personnes obèses mettent plus de temps à activer pleinement les zones associées au plaisir. 

A noter :

– obliger un enfant à finir son assiette perturbe sa capacité naturelle à contacter sa propre sensation de satiété,

– multiplier des régimes restrictifs chez l’adulte le coupe également de ses capacités naturelles de contacter une forme de régulation. On déconnecte des sensations de faim et satiété pour être dans un contact plus cognitif à son alimentation. On se coupe de nos sensations alimentaires.

La restriction n’est pas tenable. Elle entraîne des comportements où on mange trop par frustration. Cela entraîne de la culpabilité. Et être dans la culpabilité nous coupe des sensations de faim et de satiété.

Pour contrer une émotion liée à une pulsion alimentaire, on la refoule. Donc on souffre. Puis on craque. Donc, on se culpabilise. Donc on souffre.

Alors qu’un rapport plus apaisé à nos émotions permettrait de grignoter de temps en temps en évitant les restrictions trop extrêmes, et par conséquent des craquages extrêmes.

Il faut pour cela réussir à faire une pause pour percevoir ses sensations corporelles. Il faut également pouvoir accepter de percevoir des douleurs affectives qui peuvent être vives et profondes et qui se cachent derrière l’alimentation.

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